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fr. Štefan Kožuh OFMCap

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 Fr. Štefan Kožuh

Chapitre III

Apprendre À prier pour apprendre À vivre

 

Comment progresser
dans la vie de prière communautaire et personnelle

 

1. Introduction

La formation, qu’elle soit permanente ou initiale, n’est rien d’autre qu’un processus continu réalisé « grâce à une conversion du cœur, en vue du renouveau incessant de notre Ordre »[1]. Nous savons d’expérience que la conversion du cœur n’est pas principalement une œuvre humaine mais avant tout un don gratuit de Dieu[2]. Nous sommes donc appelés à donner « la priorité à la vie de prière, spécialement à la prière contemplative »[3]. Les Constitutions des Frères Mineurs Capucins – nos Constitutions – nous le rappellent : « que la primauté de l’esprit et de la vie de prière soit absolument maintenue par les fraternités et par chacun des frères, où qu’ils se trouvent, comme le requièrent l’enseignement et l’exemple de saint François et l’authentique tradition capucine »[4]. Et elles insistent : « il est de la plus haute importance de former la conscience des frères sur la nécessité vitale de la prière personnelle. Que chaque frère, où qu’il se trouve, se réserve chaque jour un temps suffisant pour l’oraison mentale, par exemple une heure entière »[5].

Le soin de la vie de prière personnelle dépend donc principalement de chaque frère. Cependant, cela ne remplace pas notre engagement fraternel pour une vie authentique, régulière et intense de prière liturgique célébrée, si possible, entièrement par toute la fraternité qui se réunit tous les jours, au nom du Christ, pour rendre grâce au Père dans l’Esprit Saint[6]. « Vénérons profondément le mystère de l’Eucharistie et l’office divin : saint François voulait qu’ils imprègnent toute la vie de la Fraternité »[7]. Chacune de nos fraternités « doit être vraiment une fraternité qui prie. À cet effet, dans toutes les circonscriptions on formera avec le plus grand soin chaque frère et les fraternités elles-mêmes à l’esprit et à la pratique de la prière, en utilisant les moyens appropriés »[8]. La prière communautaire offre un soutien indispensable à la prière personnelle et la prière personnelle-mentale nourrit et vivifie notre prière liturgique commune. Par conséquent, « que les ministres, les gardiens et les autres à qui est confié le soin de la vie spirituelle, s’emploient à ce que tous les frères progressent dans la connaissance et la pratique de l’oraison mentale »[9] et célèbrent « dignement la liturgie des heures, à laquelle l’Église nous astreint en vertu de notre profession »[10].

Cette simple contribution qui s’inspire de la récente tradition capucine, que le Seigneur nous a donnée à travers notre frère Ignacio Larrañaga (1928-2013), se concentre sur quelques modalités qui concernent directement et avant tout la prière personnelle[11]. « La recherche de l’union avec Dieu est le premier travail des frères »[12]. Cette recherche personnelle de l’union intensifiée et ravivée avec Dieu rendra notre prière liturgique-communautaire plus vive et plus intense. De là pourrait découler une conséquence très naturelle et importante : que nos fraternités deviennent d’authentiques écoles de vie et de prière[13].

« Appliquons-nous à promouvoir et à développer l’esprit de prière, surtout intérieure dans le peuple de Dieu puisque ce fut dès l’origine un charisme de notre Fraternité de Capucins et, comme en témoigne l’histoire, un germe d’authentique renouveau. Engageons-nous donc avec ardeur à apprendre l’art de la prière et à le transmettre aux autres. Que la formation à la prière et à l’expérience de Dieu par une méthode simple qualifie notre action apostolique. Ce sera très profitable de tout mettre en oeuvre pour que nos fraternités soient d’authentiques écoles de prière »[14].

2. Comment revivifier la prière des Psaumes ?

La prière des psaumes, qui sont « la harpe de l’Esprit » (Saint Ephrem), est notre pain quotidien, une source inépuisable de vie avec Dieu, en Dieu ! L’un des moyens les plus efficaces de progresser dans l’amitié personnelle avec Dieu est de naviguer dans la mer profonde des Psaumes. Ils portent en eux les réalités quotidiennes de la vie, car ils proviennent d’une vie réelle ... avec Dieu. Les Psaumes sont le fruit d’une longue histoire d’amour entre Dieu et l’homme. Chacun d’eux est « né » dans des circonstances concrètes vécues par les psalmistes aux différentes périodes de leur histoire.

Que puis-je faire pour que les Psaumes soient un aliment solide et nourrissant pour mon âme ? Je dois chercher sans cesse à m’approcher de leur richesse de manière nouvelle et personnelle, dans le silence et la solitude, afin d’acquérir à travers eux une amitié intime et ardente avec le Seigneur Dieu vivant et vrai.

Que faire alors pour que ma/notre récitation quotidienne des Psaumes devienne une vraie prière et une source inépuisable de vie avec Dieu ?

 Je prends l’un des Psaumes en fonction de mes préférences personnelles ou de mes besoins spirituels du moment.

Après avoir mis mon âme dans la paix, j’invoque le Saint-Esprit et je commence à lire le Psaume lentement, très lentement. Tout d’abord, j’essaie de comprendre le sens, l’intention et l’application concrète des paroles lues.

Après ce premier moment, j’essaie d’impliquer mon cœur. Je prononce de tout mon cœur les expressions particulières du Psaume, assumant profondément tout ce que prononcent mes lèvres ou même simplement mon esprit ; mon attention se porte entièrement sur le contenu des phrases prononcées, qui deviennent les miennes.

Si en lisant lentement le Psaume quelques mots ou phrases me parlent beaucoup, je m’arrête sur elles et je les répète plusieurs fois. Chaque fois que je les prononce, je reste au moins dix secondes en silence et immobile comme quelqu’un qui entend un écho, qui s’identifie profondément avec la substance de la phrase, qui est Dieu lui-même. Je sens comment mon “je” s’efface lentement et comment la présence vivante et vraie de Dieu pénètre tout mon être. L’âme se laisse imprégner par l’expérience profonde de Dieu. Je répète le mot ou la phrase jusqu’à épuisement de sa richesse qui me tient uni à Dieu.

Si cela ne se produit pas (que certains mots ou phrases s’imposent plus particulièrement à moi) – et cela ne se produira pas toujours ! je continue à lire lentement les paroles du Psaume, écoutant de tout mon cœur ce que je lis. De temps en temps je m’arrête ; je relis les expressions les plus significatives.

Si à un certain moment je sens que je peux laisser de côté les paroles du Psaume, j’abandonne le texte et laisse le Saint-Esprit prier en moi par des paroles spontanées.

Cette méthode simple, également appelée lecture priée, qu’il est aussi possible d’appliquer à d’autres prières écrites, peut m’aider à prier pendant les périodes d’aridité ou lorsque, en raison de la dispersion mentale, je ne réussis pas à me concentrer et à prier.

3. Lecture orante de la Parole de Dieu

Pour pouvoir accueillir la Parole de Dieu, j’essaie de me préparer : que l’âme soit vide, calme, désintéressée. J’invoque ardemment la lumière de l’Esprit Saint, inspirateur de l’auteur humain de la Parole.

Je choisis le passage de l’Écriture et je commence à le lire lentement, très lentement ... en écoutant Dieu qui me parle personnellement en ce moment de ma vie. Je ne prétends pas d’en comprendre toute la signification ; ma question principale est : « Qu’est-ce que le Seigneur veut me dire avec ces paroles ? » ... et je laisse résolument de côté la préoccupation d’expliquer cette parole – de la prêcher aux autres.

Si je rencontre une expression qui attire fortement mon attention, qui m’émeut ... Je m’arrête et laisse cette idée dominer librement mon esprit et mon cœur.

Dans ma Bible, je souligne cette expression avec un crayon et j’écris en marge le mot qui résume cette impression que je vis.

Lorsque dans la lecture que j’ai choisie apparaissent des noms propres (par exemple Moïse, Samuel, Marie), je les remplace par mon nom, sentant ainsi que le Seigneur s’adresse à moi personnellement, en m’appelant par mon nom.

Si cette lecture ne “me dit” rien aujourd’hui, je reste en paix. Qui sait, peut-être, qu’elle “me dira beaucoup” un autre jour. Au-dessus de notre activité, il y a le mystère de la grâce qui est imprévisible : l’heure de Dieu n’est pas notre heure. Il faut beaucoup de patience dans les choses de Dieu.

À la lumière de la Parole lue, écoutée et méditée j’essaie d’analyser ma vie et d’appliquer la Parole à ma situation concrète en me demandant : « Qu’est-ce que Dieu est en train de me dire ? » « Que ferait Jésus à ma place ? » Dans la mesure où ma pensée s’adapte à la « pensée » de Dieu, je deviens le disciple du Seigneur.

Si à n’importe quel moment de l’écoute de la Parole mon cœur se sent poussé à prier, je laisse l’Esprit prier en moi, remerciant et louant le Seigneur de me révéler sa volonté à travers sa Parole.

Cette lecture méditée personnelle de la Parole, à laquelle nous sommes appelés à nous consacrer chaque jour, me prépare à un fructueux partage fraternel de la Parole[15].

4. Se mettre en écoute

Je prends une courte expression qui me remplit l’âme, par exemple celle utilisée par saint François : « Mon Dieu et mon tout ! » ou juste un mot, par exemple « Jésus », « Seigneur », « Père » ... et je commence à le prononcer toutes les dix ou quinze secondes avec sérénité et recueillement. En le prononçant, j’essaie de vivre son contenu qui est le Seigneur lui-même.

Avec le temps, je commence à percevoir combien la “présence” de Dieu, ”contenue” dans cette expression, commence à inonder lentement et suavement tout mon être. En prononçant la même expression, j’offre un espace de plus en plus étendu aux temps de silence et à l’écoute intérieure.

5. S’abandonner à l’Abba-Père

La prière authentiquement évangélique et libératrice est contenue en ces mots : « Père, je m’abandonne à toi ! »

J'essaie d’apprendre par cœur la Prière d’abandon[16] du bienheureux Charles de Foucauld. Ainsi je peux la réciter quand je me heurte aux petites ou grandes contrariétés de la vie.

Dans une attitude filiale d’abandon confiant, je me mets en présence du Père, qui dispose ou permet tout et je commence à réciter la Prière d’abandon mentionnée ci-dessus ou simplement à répéter une courte phrase : « Que ta volonté soit faite ! » ou « Je me remets entre tes mains ! »

L’abandon est un hommage de silence dans la foi. Ainsi, dans la prière d’abandon, j’essaie de réduire au silence tout ce qui a tendance à se rebeller en moi, tout ce qui me déplait : les côtés négatifs de mes parents, les aspects pas encore acceptés de mon apparence physique, les maladies, la vieillesse, les impuissances et les limites, les aspects négatifs de ma personnalité, les proches qui m’irritent, les histoires et les souvenirs douloureux, les échecs, les erreurs ...

Parfois, en me souvenant de ces choses, je sens qu’elles me blessent à nouveau, mais en les déposant avec une confiance filiale dans les mains du Père, qui m’aime gratuitement et inconditionnellement, peu à peu la paix se fait en moi.

6. Accueillir Jésus ressuscité

Je me trouve de nouveau au « cénacle » – chœur, chapelle, église ... en présence silencieuse de Jésus eucharistique – Jésus ressuscité, qui me donne la paix et répand sur moi l’Esprit Saint[17].

En m’appuyant sur quelques expressions[18] – prononcées avec qu’il faut d’intervalles de silence, pour que la « vie » de la phrase résonne et remplisse mon âme – je commence à accueillir, dans la foi, Jésus ressuscité qui me ressuscite. Je laisse l’esprit de Jésus entrer en moi et inonder tout mon être. Je sens que la présence de Jésus ressuscité atteint les espaces les plus reculés de mon âme et prend pleinement possession de tout ce que je suis, pense et fais. Je sens comment Jésus assume la plus profonde intimité de mon cœur. Dans la foi, je l’accueille sans réserve, joyeusement.

Dans la foi, je sens comment Jésus touche en moi telle blessure concrète, comment il retire telle épine d’angoisse qui m’oppresse, comment il me libère de telles peurs et de telles rancunes…

Après cela, je passe à la vie. Accompagné et revêtu de Jésus ressuscité, je visite les lieux où je vis et travaille. Je me présente devant la personne avec laquelle je suis en conflit et j’essaie de la regarder avec les yeux de Jésus, avec la sérénité de Jésus qui vit en moi.

J’essaie de m’imaginer tous les autres types de situations, même les plus difficiles, et je laisse Jésus ressuscité agir à travers moi : je regarde avec les yeux de Jésus, je parle avec sa bouche. Ce n’est plus moi qui vis mais Jésus qui vit en moi[19].

Cette prière est vraiment transformante ou, mieux : christifiante.

7. Sortir de soi et élever l'esprit

La prière peut facilement se transformer en un monologue, où toute mon attention commence à tourner autour de moi : mes intérêts, ma volonté, mes difficultés ... Pour parer à ce danger j’essaie de me tenir devant le Seigneur en sortant de moi-même et d’élever toutes mes forces mentales et spirituelles vers le Seigneur.

En m’appuyant sur quelques courtes phrases, mon “je” sort vers le “Tu”. En assumant et en rendant vivant le sens de la phrase, celle-ci prend mon attention et la dirige, la dépose dans un Tu. Ainsi tout le “je” reste dans tout le “Tu”, y reste stable, paisible.

En tout cela, il n’y a aucun effort mental ; je ne me préoccupe pas de comprendre ce que dit la phrase. Je suis simplement en adoration. Mon esprit – sous l’impulsion de la phrase – s’élance amoureusement et avec admiration vers le Tu.

Après avoir fait taire tout mon être avec l’aide du Saint-Esprit, dans la foi, je reste en présence de Celui en qui j’existe, ai le mouvement et suis.

À voix basse ou seulement mentalement, je commence à prononcer les phrases, avec les intervalles de silence convenables, et j’essaie de vivre ce que dit la phrase, tant que mon âme reste « imprégnée » de la substance de la phrase.

Après avoir prononcé la phrase, je reste en silence environ trente secondes ou plus, silencieux, paisible, comme quelqu’un qui écoute avec attention une résonance, m’identifiant fortement à la substance de la phrase, qui est Dieu lui-même.

Dans cette prière, je me laisse submerger par le “Tu”. Mon “je” disparaît quasiment alors que le “Tu” commence à dominer tout mon être.

Voici quelques phrases qui peuvent me servir pour ma prière, dans laquelle je sors de moi-même et élève mon esprit vers Dieu.

Tu es mon Dieu.
De toujours à toujours tu es Dieu.
Tu es éternité immuable.
Tu es immensité infinie.
Tu es sans commencement ni fin.
Tu es mon tout.
Ô profondeur de l’essence et présence de mon Dieu.
Tu es mon parfait repos.
En toi seul je suis en paix.
Tu es ma forteresse.
Tu es ma sécurité.
Tu es ma patience.
Tu es ma joie.
Tu es ma vie éternelle, grand et admirable Seigneur
[20].

8. Par le Christ notre Seigneur

Je me représente Jésus qui se retirait souvent seul – généralement la nuit ou tôt le matin – en prière solitaire dans un lieu retiré. Il restait en adoration ... même toute la nuit.

Avec une infini respect, dans la foi et sereinement, j’entre dans l’intimité de Jésus en adoration. J’essaie de me rendre présent et de revivre ce que Jésus a vécu dans sa relation avec le Père et de participer ainsi à l’expérience profonde de mon Seigneur Jésus.

Avec le cœur de Jésus, avec ses vibrations intérieures, j’essaie de dire par exemple : « Père, glorifie ton nom ! » ou « Père, que ton nom soit sanctifié ! »

Me plongeant dans l’intimité de Jésus et assumant ses dispositions avec l’aide de l’Esprit Saint, j’essaie de raviver cette attitude d’abandon total que Jésus a vécue dans le jardin de Gethsémani devant la volonté du Père en disant : « Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ... Que ta volonté soit faite ! »

Ce que Jésus a ressenti en disant : « Père, comme toi et moi sommes un ! » ou en prononçant le mot araméen “Abba” – “Mon cher papa” - j’essaie d’en faire moi aussi l’expérience.

Me mettant dans le cœur de Jésus – ce que notre maître de prière Saint François faisait dans les grottes à Speco di Narni, à l’Alverne, aux Carceri, aux Celle de Cortone – je prends et répète lentement et avec beaucoup de dévotion la prière sacerdotale de Jésus prononcée dans le cénacle à la fin de la dernière cène (voir l'Évangile de Jean, chapitre 17).

Tout cela - et d’autres choses - je le fais “mien” dans la foi et dans la force du Saint-Esprit qui “m’enseigne la vérité toute entière” et prie en moi.

Après la prière, je reviens à la vie ordinaire, portant en moi la vie profonde de Jésus.

9. Contempler Dieu vivant et vrai

Les grands maîtres de la prière de contemplation rapportent les signes suivants qui indiquent quand l’âme est en contemplation :

• Mon âme se réjouit d’être seule avec une attention aimante et sereine en Dieu.

• Je garde mon âme tranquille et paisible, attentive à Dieu, dans la paix intérieure, le calme et le repos, même si cela peut sembler une perte de temps.

• Je laisse mon âme libre, sans me soucier de penser ou de méditer ; seulement une attention sereine et aimante à Dieu.

Pour avancer vers la prière de contemplation, deux éléments sont essentiels et indispensables : le silence et la présence.

Silence signifie faire le vide intérieur, suspendre l’activité des sens, laisser de côté les souvenirs, abandonner les préoccupations...

J’essaie donc de m’isoler du monde extérieur et intérieur ; Je ne pense à rien, ou mieux : je ne pense pas du tout.

Je reste au-delà du ressentir et de l’agir, sans m’attacher à quoi que ce soit, sans regarder quoi que ce soit, ni à l’intérieur ni à l’extérieur.

Au-dehors de moi, rien ; au-dedans de moi, rien. Que reste-t-il alors ? Une attention de moi-même à moi-même dans le silence et la paix.

Présence, au contraire, signifie porter toute l’attention vers l’Autre, dans la foi, comme quelqu’un qui regarde sans réfléchir, comme quelqu’un qui aime et se sent aimé.

J’évite “d’imaginer” Dieu. Chaque “image” ou “forme” de Dieu doit disparaître. A Dieu ne correspond que le verbe “être”. Il est la Présence Pure et Aimante et Enveloppante et Pénétrante ... Toute-Puissante.

Il reste seulement un Tu pour lequel j’ai une attention ouverte, aimante et sereine.

Je commence à me mettre en écoute en prononçant une seule phrase[21] avec des périodes de silence, toujours plus longues, jusqu’à ce que les mots ne soient plus nécessaires. Alors je reste sans rien dire ni avec ma bouche ni avec mon esprit.
Je regarde et je me sens regardé.
J’aime et je me sens aimé.
Je suis comme une plage, Il est comme une mer.
Je suis comme un champ, Il est comme le soleil.
Je me laisse illuminer, inonder, AIMER.
SE LAISSER AIMER.

10. Comment vivre un désert ?

La seule façon de vivifier la vie avec Dieu est de vivifier le cœur. Lorsque le cœur est plein de Dieu, les choses de la vie se remplissent de la beauté de Dieu. Le cœur se vivifie lors des temps forts. En témoignent les prophètes, les saints et surtout Jésus.

Le temps fort est un temps exclusivement réservé à être seul avec le Seigneur (une heure par jour[22], un jour – au moins cinq heures – par mois[23], quelques jours par an[24]). Le temps fort ne sert pas seulement à prier, mais aussi à retrouver l’équilibre émotionnel, l’unité intérieure, la sérénité et la paix.

Si je veux prendre au sérieux la vie avec Dieu, je dois insérer des temps forts au milieu de mes nombreuses activités. Si je sauve les temps forts, les temps forts me sauveront du vide de la vie et du désenchantement existentiel. Je pourrais me dire : « Comment puis-je trouver le temps ? » Mais le temps est une question de préférence : on trouve le temps pour ce qu’on veut.

Il est recommandé de vivre le temps fort ou désert, qui dure au moins cinq heures, en dehors de l’endroit où l’on vit ou travaille, dans un endroit solitaire, dans la nature.

Il est bon de vivre le désert avec d’autres (si possible toute la fraternité locale ou les fraternités voisines ensemble). Mais une fois arrivés à l’endroit choisi, il est essentiel qu’après une introduction commune, tout le monde reste en solitude et silence complets pendant cinq heures. À la fin du désert, il est recommandé de se rencontrer à nouveau pour le partage fraternel et la prière communautaire.

La Parole de Dieu est une nourriture indispensable pour la journée de désert et n’oubliez pas d’apporter un cahier pour noter vos réflexions ou prières personnelles. Il vaut mieux apporter quelque chose à manger et à boire, sans oublier que le désert a aussi un caractère pénitentiel.

Voici quelques règles pour vivre le désert, à utiliser cependant avec la souplesse et la spontanéité que l’on doit à la grâce de l’Esprit Saint.

Le désert commence généralement par la prière de certains Psaumes[25] pour me préparer et m’acclimater spirituellement (entre une demi-heure et une heure).

Après cette phase « d’échauffement », j’entre dans un dialogue personnel avec le Seigneur, pas forcément fait de paroles mais d’intériorité : il s’agit de parler avec Dieu, d’être avec lui, d’aimer et de se sentir aimé ... C’est la phase la plus importante du désert (environ une heure et demie).

Maintenant, je passe à l’écoute profonde de Dieu qui me parle à travers sa Parole et j’essaie de confronter ma vie avec sa volonté (environ une heure).

Dans le désert, doit se vivre aussi un intense dialogue avec Jésus : je parle avec lui comme un ami parle avec un autre, me « promenant » mentalement avec lui sur les chemins de ma vie (environ une heure).

Je conclus le désert par un intense acte d’abandon pour guérir à nouveau les blessures et accepter tant de choses refusées, pour me pardonner et pardonner, consolider et renforcer la paix intérieure (environ 45 minutes).

J’ai dit plus haut que c’est là un schéma expérimenté qui ne doit cependant pas étouffer l’action du Saint-Esprit. La vie nous apprend à ne pas être euphoriques dans les consolations, ni déprimés dans les aridités. Le critère le plus sûr de la présence divine est la paix. Si je suis en paix même lorsque j’expérimente l’aridité, Dieu est avec moi et je suis avec lui.

* * *

« Persévérons donc dans la louange de Dieu et dans la méditation de sa Parole afin de désirer de plus en plus ardemment que les hommes soient aussi attirés à aimer Dieu avec joie grâce à notre manière d’agir.

Ainsi, toute notre vie de prière sera imprégnée d’esprit apostolique, et toute notre activité apostolique sera modelée par l’esprit d’oraison »[26].



[1] Const., 5,2.

[2] « Adorer, c’est rencontrer Jésus sans liste de demandes, mais avec la seule demande d’être avec lui. C’est découvrir que la joie et la paix grandissent avec la louange et l’action de grâces. Lorsque nous adorons, nous permettons à Jésus de nous guérir et de nous changer. En adorant, nous donnons au Seigneur l’occasion de nous transformer par son amour, d’éclairer nos ténèbres, de nous donner force dans la faiblesse et courage dans les épreuves. Adorer, c’est aller à l’essentiel : c'est le moyen pour nous désintoxiquer de beaucoup de choses inutiles, des dépendances qui anesthésient le cœur et engourdissent l’esprit » (Pape François, Homélie en la solennité de l'Épiphanie du Seigneur, 6 janvier 2020).

[3] Const. 5,3.

[4] Const. 55,1.

[5] Const. 55,2.

[6] Cf. Const. 49,3.

[7] Const. 47,2.

[8] Const. 57,1.

[9] Const. 54,5.

[10] Const. 49,2.

[11] Cf. Ignacio Larrañaga, Incontro. Manuale di preghiera, Ed. Laboratori di preghiera e vita – Italia, 2013 ; en français : Rencontre, Médiaspaul, Québec 2000.

[12] CPO VIII, 17.

[13] Cf. Const. 55,7.

[14] Const. 55,6-7.

[15] Cf. Const 53,3-4.

[16] Mon Père, je m'abandonne à toi, fais de moi ce qu'il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie. Je suis prêt à tout, j'accepte tout. Pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures, je ne désire rien d'autre, mon Dieu. Je remets mon âme entre tes mains. Je te la donne, mon Dieu, avec tout l'amour de mon cœur, parce que je t'aime, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner, de me remettre entre tes mains, sans mesure, avec une infinie confiance, car tu es mon Père. Amen.

[17] Cf. Jn 20, 19-22.

[18] Jésus, entre en moi.

Prends possession de tout mon être.

Prends-moi avec tout ce que je suis, ce que je pense, ce que je fais.

Prends le plus intime de mon cœur.

Soigne cette blessure qui me fait tant souffrir.

Retire-moi l’épine de cette angoisse.

Eloigne de moi ces peurs, rancunes, tentations ...

Jésus, que veux-tu de moi ?

Comment regarderais-tu cette personne ?

Quelle serait ton attitude face à cette difficulté ?

Comment te comporterais-tu dans cette situation ?

Jésus, que ceux qui me voient, te voient toi.

Transforme-moi tous en toi.

Que je sois une vivante transparence de ta personne.

[19] Cf. Ga 2,20.

[20] Au lieu de ces phrases tu peux aussi bien prendre la prière de Saint François intitulée Louanges de Dieu : LD (D*104).

[21] « Mon Dieu et mon tout ! » ou « Tu me scrutes… Tu me connais… Tu m’aimes ».

[22] Temps prévu pour l’oraison quotidienne (cf. Const. 55,2).

[23] Que tous les frères aient des temps de récollection et de retraite spirituelle (cf. Const. 56,1).

[24] Retraite annuelle (cf. Const. 56,1).

[25] Il est recommandé de prendre quelques-uns des psaumes suivants : 16, 84, 90, 91, 119, 143.

[26] Const. 15,5-6.

Dernière modification le mardi, 26 mai 2020 21:33
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